Interview #14 – Tristan Lucas

Chaque semaine, Assas Legal Innovation part à la rencontre de professionnels afin d’échanger sur le thème de l’innovation en droit. 

Pour cette nouvelle édition, Magali Cadoret a rencontré Tristan Lucas, responsable éditorial de BlockchainyourIP. Il présente leur White Paper, garant de l’usage de la blockchain comme preuve des droits de propriété intellectuelle non-enregistrés.

Peux-tu nous présenter la start-up BlockchainyourIP en quelques mots ?

BlockchainyourIP est née de la rencontre entre des avocats spécialisés en propriété intellectuelle du cabinet parisien Deprez Guignot et associés (DDG) et des ingénieurs experts en blockchain. BlockchainyourIP dispose donc d’une expertise tant sur le plan juridique que technologique. Dans ce prolongement, nous avons aussi créé un partenariat unique avec un huissier de justice, Maître Jérôme Legrain.

C’est dans cet environnement qu’est né le White Paper, soutenu par trois députés en charge du rapport d’information « blockchain » de l’Assemblée nationale, par des praticiens, des experts blockchain ainsi que par de nombreux professeurs en droit de la propriété intellectuelle venus de la France entière.

Comment est venue l’idée de ce White Paper ?

Le but initial du projet était de soutenir la preuve blockchain en matière de propriété intellectuelle, pour faire de la France un pionnier de ce domaine. Nous attirons en effet l’attention sur les formidables potentialités probatoires de cette technologie, à l’heure où la Chine a déjà reconnu la validité d’une preuve blockchain.

Or l’idée de rédiger ce White Paper est partie d’un constat simple : celui de la différence de protection, en matière de preuve d’existence, entre droits de propriété intellectuelle non enregistrés et droits enregistrés. En effet, les droits enregistrés auprès d’un office (l’INPI en France) sont matérialisés par un titre officiel daté et bénéficient par là-même d’une protection assez forte précisément parce qu’ils sont enregistrés. La preuve de l’existence et de la date du droit ne soulève alors pas de difficulté. Au contraire, les droits de propriété intellectuelle non-enregistrés, comme les droits d’auteur, les copyrights, les secrets d’affaire ou les savoir-faire, ne bénéficient pas d’une telle facilité probatoire.

Il nous apparaissait alors que la technologie blockchain pouvait apporter un progrès et une aide précieuse. Par sa capacité à horodater une information de manière certaine, elle peut tendre à combler ces disparités probatoires. En effet, il sera bien plus aisé de prouver la date certaine devant un juge en utilisant la blockchain. Cela ne signifie pas que la blockchain doive remplacer les modes de preuve traditionnels comme le constat d’huissier, le dépôt notarial (plus fréquent en Suisse) ou le dépôt auprès d’une société d’auteurs comme la SACEM, mais elle a bien vocation à devenir une aide supplémentaire, voire un complément. Au surplus, son caractère international par nature et son coût d’utilisation modeste en font un véritable outil de démocratisation de la preuve à l’international.

C’est donc pour faire état de ce constat et de la solution qui peut y être apportée que le White Paper de BlockchainyourIP a vu le jour.

Comment a été réalisé ce White Paper ?

Le projet du White Paper a été une aventure de collaboration. C’est d’abord un travail de co-écriture entre BlockchainyourIP et les équipes du cabinet Deprez Guignot et associés. Ayant voulu donner une résonnance et une rigueur scientifique au projet, nous avons collaboré avec des professeurs de droit. Ceux-ci nous ont apporté leur aide précieuse, soit par leur soutien ou leur relecture, soit même par leurs conseils en termes de rédaction sur certains points techniques. Ce projet n’est donc pas figé, mais est évolutif, et fait appel de l’intelligence de chacun.

Pourquoi avoir choisi l’usage de la blockchain et pas un autre procédé ?

Nous n’avons pas réellement « choisi » la Blockchain, dans la mesure où cette technologie n’était pas notre point de départ. Notre véritable point de départ était la question probatoire, question sur laquelle nos équipes réfléchissent depuis 2 ans et demi. Or c’est en réfléchissant à cette problématique que la technologie Blockchain s’est « imposée » à nous. C’est donc à rebours d’un certain effet de mode autour de la blockchain que nous sommes venus à utiliser cette technologie.

Parler de « la » Blockchain est d’ailleurs un peu réducteur, puisqu’il existe en réalité un certain nombre de blockchains différentes, qui peuvent être privées ou publiques. La technologie sous-jacente à notre cas d’usage est la Blockchain Bitcoin, qui est la plus pertinente (de l’aveu même de Vitalik Buterin, le fondateur de la Blockchain Ethereum). En effet, cette blockchain publique – donc décentralisée et par là-même infalsifiable – présente l’intérêt de rester de taille raisonnable, ce qui permet à tout un chacun d’en héberger une copie et d’assurer son intégrité. Or cela est capital pour bénéficier d’une preuve fiable, certaine et infalsifiable !

C’est d’ailleurs le caractère d’intangibilité de ce registre décentralisé qui fait à notre sens de la Blockchain Bitcoin la meilleure technologie en matière probatoire, plus qu’aucun autre procédé.

L’usage de la blockchain à cet effet ne représente-t-il pas un risque ?

En entendant les mots « blockchain » et « bitcoin », on pense souvent à la volatilité des crypto-monnaie, ou à la potentielle fugacité de cette technologie nouvelle et mal connue. Mais pour ce qui nous concerne, l’usage de la technologie ne présente que des avantages. Il convient en effet d’insister, comme William Fauchoux le faisait dans une précédente interview, sur le fait que la preuve blockchain que nous fournissons est vérifiable mathématiquement. Il existe d’ailleurs des vérificateurs indépendants à la disposition de qui voudrait vérifier son certificat de preuve blockchain ! Ainsi, et en vertu de l’intangibilité que nous évoquions plus haut, même si BlockchainyourIP venait à disparaitre, les preuves constituées continueraient d’exister et d’être exploitables.

Il n’y a donc aucune crainte à avoir – ni pour nous ni pour nos utilisateurs – sur l’usage de la Blockchain, et bien au contraire, c’est ce qui fait la force du projet !

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