La fiscalité des cryptoactifs

Les plus-values de cession d’actifs numériques réalisées par des
personnes physiques à titre occasionnel

 

Les cryptomonnaies sont des actifs numériques répondant à la définition des articles L.54-10-1 et L.54-10-2 du Code Monétaire et Financier. Elles désignent donc, alternativement :
– (i) Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou une autorité publique, qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. Malgré qu’elle ne soit pas une monnaie au sens juridique, celle-ci est acceptée par les personne physiquesou morales comme moyen d’échange ; OU
– (ii) Un jeton, c’est à dire un bien incorporel représentant , sous forme numérique, un ou plusieurs droits , pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé (blockchain) permettant d’identifier le propriétaire du
token.

Ces définitions sont reprises par l’article 150VH bis du CGI qui prévoit, avec l’article 200 C du CGI, le régime fiscal de ces actifs numériques.

Précisions préalables
Le régime ci-dessus ne s’applique qu’aux plus-values de cession réalisées à titre occasionnel réalisées par des personnes physiques.
Les plus-values réalisées de cession réalisées à titre habituel par des personnes physiques ou morales sont soumises au régime des Bénéfices Industriels et Commerciaux. Par ailleurs, les revenus générés dans le cadre d’une activité de minage sont imposables dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux.

Ainsi, les plus-values réalisées par les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France au sens de de l’article 4B du CGI[1], directement ou par personne interposée, lors d’une cession à titre onéreux de cryptomonnaies, sont soumises au prélèvement forfaitaire unique.  La cession par une personne interposée correspond à l’hypothèse d’une cession à titre occasionnel par une société soumise à l’impôt sur le revenu. Dans ce cas, l’associé est soumis personnellement à la part de la plus-value qui lui revient.

L’article 150VHbis du CGI nous livre les modalités de calcul du montant imposable. L’assiette d’imposition frappe la plus-value nette réalisée sur les opérations de cession au cours de la même année. L’assiette s’obtient en imputant les moins-values sur la plus-value réalisée au cours de la même
année.

  • Plus-value / moins-value brute = Prix de cession – [Prix total d’acquisition x Prix de cession / Valeur globale du portefeuille]
  • Plus-value nette = Plus-value brute – moins-value brute = montant imposable

La plus-value nette imposable est frappée d’un taux global  de 30% :

  • Au titre de l’Impôt sur le revenu : taux forfaitaire de 12,8% conformément à l’article 200 C du CGI; ET
  • Au titre de la contribution sociale généralisée:  taux de 17,2% prévu aux articles L.136-7 et L.136-8 du Code de la Sécurité Sociale.  

Nous tenterons tout d’abord d’analyser les différentes composantes entrant dans le calcul de la plus-value de cession ( I – III) . Par la suite, nous indiquerons l’exonération dont peut bénéficier le contribuable ( IV) pour conclure sur les diverses obligations déclaratives (V).

Un tableur Excel est joint à cette brève description du régime fiscal afin de vous aider à remplir votre déclaration de revenus et à calculer votre montant imposable. Pour ouvrir le calculateur, cliquez ici : Calculateur_plus-value.

 

I. Le prix de cession

L’article 150 VHbis,  III A prévoit que le prix de cession s’entend comme le prix réel perçu ou la valeur de la contrepartie obtenue par le cédant. Il peut être réduit, sur justificatifs, des frais supportés par le cédant à l’occasion de cette cession.

De ce fait, est donc constitutive d’une cession d’actifs numériques imposable :

  • L’opération de conversion d’une cryptomonnaie en monnaie ayant cours légal ;
  • L’acquisition d’un bien en paiement par cryptomonnaie. Le prix de cession s’entend de la valeur du bien acquis ;
  • Le paiement d’une prestation de service par cryptomonnaie. Le prix de cession s’entend de la contrepartie versée à la prestation ;
  • L’opération d’échanges d’actifs numériques avec soulte. Le prix de cession s’entend de la somme de valeur des actifs échangés et la soulte reçue.
  • Exemple 

    Un contribuable français réalise les opérations suivantes sur ses cryptomonnaies :  

    1. Conversion de 0,2 Bitcoin en euros pour un montant de 10.000 euros ; Le prix de cession est de 10.000 euros.
    2. Acquisition d’un ordinateur portable d’une valeur de 1.500 euros contre 1 ETH ; Le prix de cession est de 1.500 euros.
    3. Paiement d’une prestation de conseil d’un montant de 2.000 euros via 1,5 ETH ; Le prix de cession est de 2.000 euros.
    4. Échange de 10 ETH contre 0,01 Bitcoin d’une valeur de 5.000 euros et une contrepartie monétaire en virement bancaire de 2.000 euros. Le prix de cession est de 7.000 euros : 5.000 + 2.000.

Ce prix pouvant être minoré des frais supportés par le cédant ; l’administration fiscale admet l’imputation sur ce prix des frais prélevés par les plateformes d’échanges ainsi que les frais perçus par les membres du réseau décentralisé.

  • Prix de cession = contrepartie réelle reçue – Frais de cession.

II. Le prix d’acquisition et prix total d’acquisition

Le prix total d’acquisition est égal à « La somme des prix effectivement acquittés en monnaie ayant cours légal à l’occasion de l’ensemble des acquisitions d’actifs numériques… réalisés avant la cession et de la valeur de chacun des services et des biens autre que des actifs numériques… remis lors d’échange. »

Autrement dit, le prix d’acquisition correspond à la somme entre :

  • Le prix d’achat d’une cryptomonnaies ; ET
  • Le cas échéant, la valeur du bien ou service remis en contrepartie de la cryptomonnaie.

Le prix total d’acquisition correspond quant à lui au total des prix d’acquisition des cryptomonnaies constituant le portefeuille.

En cas d’acquisition de cryptomonnaies à titre gratuit, le prix d’acquisition est réputé correspondre au cours de la monnaie au jour de l’acquisition. L’acquisition gratuite concerne notamment l’hypothèse de la contrepartie reçue au titre de la participation d’un utilisateur au fonctionnement de la blockchain. L’administration fiscale prend pour exemple la rémunération perçue par les mineurs pour leur participation au réseau. Cette hypothèse devrait, selon nous, vraisemblablement s’appliquer aux récompenses perçues dans le cadre d’opération de staking[2] ; participation à une pool de liquidité[3] ou de prêt.

Important 

L’administration fiscale considère que si le contribuable n’est pas en mesure de produire les pièces justificatives du prix d’acquisition, celui-ci est réputé avoir été acquis pour une valeur nulle. Cette hypothèse pourrait, selon nous, s’appliquer pour les opérations de « airdrop ».

L’administration fiscale accepte que le contribuable se réfère au cours affiché sur la plateforme d’échange.

Exemple

Un contribuable français réalise les opérations suivantes :

(i) Achat  de 10 Bitcoin à 50 euros. Le prix d’acquisition est de 50 euros.

(ii) Exécution d’une prestation de service d’une valeur de 150 euros exécutée en contrepartie de 0,1 ETH. Le prix d’acquisition est donc de 150 euros.

(iii) Réception de 0,001 BTC en récompense de la participation au réseau d’une valeur de 5.000 euros. Le prix d’acquisition est de 5.000 euros

(iv) réception de 10.000 VET d’une valeur de 100 euros suite à la participation à un airdrop. Le prix d’acquisition est réputé être de 100 euros.

(v). Réception de 10 ALGO d’une valeur de 120 euros en récompense de leur staking. Le prix d’acquisition est réputé être de 120 euros.

Le prix total d’acquisition du portefeuille est de : 5.420 euros.

En cas de cession antérieure à celle qui serait réalisée, le prix total d’acquisition peut être diminué de la fraction dite du capital initial correspondant à la valeur d’acquisition prise en compte pour le calcul de la plus-value de la cession antérieure.( cf. Formulaire 2086, Case 221).

  • Prix d’acquisition d’un actif = Somme effectivement acquittée + valeur biens/services remis en contrepartie
  • Prix d’acquisition total = somme des prix d’acquisition des actifs du portefeuille – prix d’acquisition pour une d’une cession antérieure.

Exemple 

Un contribuable français dispose d’un portefeuille de diverses cryptomonnaies acquis pour une valeur initiale de 10.000 euros.

En janvier N, son portefeuille s’est valorisé à 12.000 euros. Il réalise une cession d’une partie de ses cryptomonnaies pour 500 euros.

Le prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value sur cette opération est de 416,6 euros.(10.000 euros x 500)/12.000 = 416,6

En mars N, il cède une seconde partie de ses cryptomonnaies pour un montant de 1.000 euros. La valeur de son portefeuille est restée à 12.000 euros. Pour le calcul de la plus-value sur cette seconde cession , il convient de déduire du prix initial d’acquisition, le prix d’acquisition des précédentes cryptomonnaies cédées :

  • Prix d’acquisition = [( Prix total d’acquisition – prix d’acquisition de la cession réalisée en janvier N) x Prix de cession / Valeur globale du portefeuille]
  • Prix d’acquisition = [(10.000 – 416,6) x 1.000 / 12.000]
  • Prix d’acquisition=(9583,4 x 1.000) / 12.000
  • Prix d’acquisition = 798,61 euros.

Enfin, en cas d’opération d’échange sans contrepartie monétaire d’actifs numériques, un sursis d’imposition est mis en place. La plus-value de cession ultérieure se calculera sur le prix d’acquisition des actifs échangés.

 

III. La valeur globale du portefeuille

La valeur globale du portefeuille d’actifs numériques est égale à la somme des valeurs, évaluées au moment de la cession imposable, des différents actifs numériques et droits s’y rapportant détenus par le cédant avant de procéder à la cession.

Autrement dit, une personne physique ne dispose que d’un portefeuille, au sens fiscal du terme, peu importe le nombre de portefeuilles détenus dans différentes plateformes. De plus, l’administration fiscale qualifie de portefeuille les dispositifs de stockage de cryptomonnaies hors ligne (cold wallet / hard wallet).

Exemple 

Un contribuable français détient des cryptomonnaies dans différentes plateformes :

  • 10 MANA valant 100 euros dans le portefeuille de la plateforme A ;
  • 10 OXT valant 200 euros dans le portefeuille de la plateforme B ;
  • 10 VET valant 300 euros dans une clé de stockage ( hard wallet).

Le portefeuille globale de cette personnes s’élève à 600 euros (100+200+300).

Enfin, l’administration fiscale admet que le contribuable puisse se référer à la valeur indiquée sur la plateforme où sont détenus les actifs numériques dans le cadre de sa déclaration fiscale

 

IV. La plus-value nette imposable

L’article 150 VHbis du CGI prévoit que les moins-values subies au cours d’une année d’imposition au titre des cessions d’actifs numériques sont imputées exclusivement sur les plus-values brutes de même nature, réalisées au cours de cette année.

Autrement dit, en cas de moins-values réalisées au cours de l’année N sur la cession d’un actif numérique, celle-ci viendra s’imputer sur les plus-values réalisées sur les même opérations.

A contrario, si le contribuable dégage une moins-values en N-1 ; celle-ci ne pourra pas s’imputer sur la plus-value brute totale réalisée en N ou en N+1.

Exemple

Un contribuable français dispose d’un portefeuille de cryptomonnaies acquis en 2020. Au cours de l’année 2020, il dégage une moins-value nette de 500 euros sur l’ensemble de ses opérations sur actifs numériques. Il ne paie pas d’impôt au titre de l’année 2020 : aucune plus-value n’a été réalisée.

Au cours de l’année 2021, il réalise une plus-value brute de 1000 euros sur les cessions d’actifs numériques et aucune moins-value. Le montant imposable sur 2021 est de 1000 euros. La moins-value subie en 2020 est perdue.

V. Exonération

L’article 150 VHbis II B prévoit une exonération d’impôt lorsque la personne réalise une cession dont la somme des prix de cession est inférieure à 305 euros au cours de l’année d’imposition.

 

VI. Obligations déclaratives

L’article 150VHbis V A du CGI prévoit que « Les redevables de l’impôt portent sur la déclaration annuelle le montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions imposables de l’année.  Ils joignent à cette déclaration une annexe conforme à un modèle établi par l’administration, sur laquelle ils mentionnent et évaluent l’ensemble des plus ou moins-values réalisées à l’occasion de chacune des cessions imposables effectuées au cours de l’année ou les prix de chacun des cessions exonérées en application du B du II. ».

Autrement dit, le contribuable est donc tenu de déclarer les plus ou moins-values réalisées au cours d’une année sur le formulaire n°2086.

Par ailleurs, l’article 1649bis du CGI prévoit qu’en cas de détention d’un compte d’actifs numériques à l’étranger, les détenteurs sont tenus de le déclarer, conformément aux dispositifs des articles 344G decies et 344G undecies de l’annexe III du CGI.

A ce titre, les contribuables français doivent remplir le formulaire n°3916-Bis.

Précisons qu’en cas de détention de plusieurs comptes à usages différents (privé, professionnel), le contribuable est tenu de déclarer ces derniers séparément.

 

Farouk El Youssoufi – Pôle Digital Contracts

 

Bibliographie

  • «  De la blockchain à crypto-investisseur », Jens M.Helbig.
  • Code général des impôts.

[1] Sont soumis à l’IR français les personnes physiques :

  • Ayant leur résidence fiscale en France ;
  • Exerçant en France une activité professionnelle ;
  • Toute personne en France qui recueille des bénéfices ou revenus dont l’imposition est attribuée à la France par convention fiscale internationale.

[2] Staking : Le staking consiste à verrouiller ses cryptomonnaies afin de sécuriser le réseau en contrepartie d’intérêts rémunérés en cryptomonnaie. Le staking est aussi utilisé dans le cadre des nouvelles blockchain alternatives au bitcoin basées sur le modèle du « proof of stake » ou preuve de participation.

[3] Pool de liquidité : groupement d’utilisateurs fournissant des liquidités à un marché d’échange de cryptomonnaies en contrepartie d’une rémunération en cryptomonnaie dans le cadre des plateformes de finance décentralisées.

 

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